Les noms d’Angoulême et d’Angoumois dans la toponymie québécoise
Angoulême
Le toponyme Angoulême a profondément marqué de son empreinte le paysage toponymique de la Nouvelle-France et s’inscrit encore dans celui du Québec actuel. Le lac Saint-Pierre, vaste élargissement du fleuve Saint-Laurent en amont de Trois-Rivières, de même que les îles de Sorel, archipel comprenant cent trois îles et îlots, sises dans la partie sud-ouest de cette nappe d’eau, ont respectivement été dénommés Lac d’Angoulême et Îles d’Angoulême ce qui se reflète dans plusieurs documents rédigés au cours du XVIe siècle. Le créateur de ces deux appellations est inconnu.
Bien que les narrations du découvreur Jacques Cartier et les écrits de Jean Fonteneau, et du colonisateur Roberval, ne mentionnent pas ces dénominations, des mappemondes et des planisphères indiquent ces noms à partir des années 1540. La carte dite Harléienne, dressée et publiée vers 1540, inscrit, une des premières, le nom « Ys dangoulesme », tandis que le cartographe Sébastien Cabot écrit en portugais « la agado golesme » (Lac d’Angoulesme) dans son document cartographique de 1544.
Ces deux entités géographiques auraient reçu ces appellations en hommage au fils de François Ier, Charles, duc d’Angoulême. C’est ce qu’assure l’historiographe et cosmographe du roi, André Thevet, en 1575. D’ailleurs, il est certain que ces deux entités ont reçu leur nom Angoulême au cours du règne de ce monarque. Le lac d’Angoulême a pris le nom de Lac Saint-Pierre depuis que Samuel de Champlain a mentionné cette dénomination en 1609. Par contre l’appellation Îles de Sorel est plus récente, ravivant ainsi le souvenir de la ville charentoise d’Angoulême.
Depuis 1901, le nom d’Angoulême désigne un canton du Québec, situé à 20 kilomètres au nord de Saint-Gabriel-de-Brandon, qui fait partie de la MRD de Matawinie, dans la région administrative de Lanaudière. Sans doute a-t-on donné ce nom à ce territoire cantonal pour rappeler l’appellation primitive du lac Saint-Pierre et des îles de Sorel situés, à vol d’oiseau, à une cinquantaine de kilomètres au sud-est.
Mais on ne voulait pas moins, du même coup, rendre hommage à l’actuelle ville d’Angoulême, en France, préfecture du département de la Charente. Sise sur la Charente, à 440 kilomètres au sud-ouest de Paris, cette ancienne capitale de l’Angoumois est bâtie sur une élévation escarpée et elle est entourée de remparts. C’est là que Calvin propagea ses thèses vers 1528, ce qui engendra de violents combats entre catholiques et réformés. La forme Engolisma – qui a donné Angoulême -, parue au IXe siècle, était l’évolution d’une attestation gauloise du IVe siècle, Iculisna, désignant probablement une divinité des eaux. Au Québec, outre le canton, le nom d’Angoulême désigne aussi six voies de communication urbaines dans un nombre égal de municipalités dispersées dans plusieurs régions.
Angoumois
Avec ses 182 migrants (2,1% de la totalité des colons français), la province de l’Angoumois compte parmi les régions françaises qui ont contribué plutôt modérément au peuplement de la Nouvelle-France entre 1620 et 1760 : à peu près comme la Champagne et la Gascogne.
L’histoire de cette province commence au IVe siècle avec l’établissement de la cité d’Angoulême à des fins militaires ; elle en tient d’ailleurs le nom, sous forme dérivée.
La petite taille du comté d’Angoulême ne l’empêcha pas alors d’être convoité et ce, dès sa création. Sous les rois capétiens, ce sont les comtes de Poitiers, aussi ducs d’Aquitaine, qui dominèrent. Plus tard, Philippe le Bel s’en empara, puis Jean le Bon le céda aux Anglais, en 1360 ; il fut reconquis par Charles V, en 1373.
Le comté se transforma sensiblement quand François Ier, qui avait porté lui-même le titre de comte d’Angoulême, en fit don à sa mère, Louise de Savoie, et l’érigea en duché. Mais le roi changea d’idée et le nouveau duché ne dura que l’espace de quinze ans ; il rentra alors, en 1531, dans le giron royal.
L’actuel département de la Charente englobe l’Angoumois à peu près en entier. Le territoire de l’Angoumois correspond ainsi à la partie septentrionale du bassin d’Aquitaine, plus précisément à la région d’Angoulême et au pays de Cognac. Universellement connue, la petite ville de Cognac, comme on sait, donne son nom à la célèbre eau-de-vie, née des vins distillés dans l’Angoumois. Elle a fait d’un nom de lieu un nom commun : ainsi, on boit un cognac.
Le lac à la Tortue baigne l’Angoumois à l’est de l’Isle-de-France et de la Flandre… Erreur ? Non pas; car ainsi sont situés, au Québec, les uns par rapports aux autres, ces cantons qui rappellent des provinces de France. En fait, L’Angoumois prête son nom à un seul toponyme québécois, ce canton situé dans la région de l’Outaouais, à 50 kilomètres à l’ouest de Mont-Laurier. Celui-ci, désigné en 1955, abrite de nombreux et grands plans d’eau : les lacs Royal, à la Tortue, Désert et du Bras Coupé.
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