L’Acte de Québec et les Anglais
Ces revendications parurent si justes et raisonnables aux hommes d’Etat britanniques qu’elles furent tout de suite accordées, à l’exception des territoires de l’Ouest.
L’Angleterre devait tôt reconnaître que ses nouveaux sujets avaient été plus prévoyants qu’elle-même sur ce point des frontières canadiennes. En effet, après leur révolution, les Américains surent garder pour eux une bonne partie des territoires de chasse qu’elle avait imprudemment refusé de rendre à ceux de ses sujets, qui lui restèrent pourtant fidèles.
Une fois de plus les « Habitants » avaient emporté le morceau. Ceux de Montréal en particulier avaient raison de se réjouir du succès remporté, parce que la grande majorité des signataires de ce fameux mémoire étaient des citoyens de notre ville.(Shortt & Doughty: Documents sur l’Histoire Constitutionnelle du Canada, 1911, pp. 334 et suivantes).
Au témoignage du procureur général, Masères, cette pétition des Canadiens aurait servi de base à l’Acte de Québec de 1774. (Misères: Compte rendu des procès-verbaux, p. 131). Quant aux pétitionnaires anglais, ils n’avaient rien obtenu de leurs pressantes demandes. C’était bien fâcheux.
La nouvelle loi constitutionnelle donnait à un Conseil législatif le pouvoir de légiférer, et confiait l’administration à un Conseil d’État. Le droit français était rétabli, et le serment du Test aboli pour toujours, du moins en fait sinon en droit. L’interdiction légale des catholiques aux fonctions publiques, aux charges de l’Etat, était enfin levée et l’égalité des sujets du roi officiellement reconnue.
Lorsqu’on se rendit compte à Montréal que l’Acte de Québec, adopté par les Communes, accordait les demandes des Canadiens, mais ne comportait pas la création du parlement qu’ils réclamaient, les colons anglais firent entendre d’énergiques protestations et demandèrent le rappel immédiat de la loi. N’obtenant rien de la cour ni des chambres anglaises, ils saisirent l’occasion de la rébellion américaine pour faire sentir à l’Angleterre toute leur mauvaise humeur et marquer leurs ressentiments, en pactisant avec les rebelles. Un grand nombre d’entre eux se jetèrent franchement dans la révolution. Façon particulière de montrer que le loyalisme envers la couronne britannique est de valeur changeante, selon que l’exigent les intérêts particuliers du moment.
On dit même qu’à l’automne de 1774, il avait été fait une tentative d’incendier la ville. Le gouvernement offrit le pardon et une récompense au dénonciateur; mais personne ne bougea. D’autres préoccupations occupèrent bientôt les autorités.
Presque tous les Anglais de Montréal étaient alors des mécontents. Us avaient à leur tête Thomas Walker, commerçant et ancien juge de paix. L’historien Brymner affirme que, jusqu’à l’invasion du Canada par Arnold, Walker dirigeait tout à Montréal. (7 Douglas Brymner: Rapport sur les Archives canadiennes, 1888, p. XII.)
Avec Zachary Macauly, il avait porté à Londres, en 1773, les pétitions anglaises, qui ne réussirent pas, on le sait, à convaincre les ministres. De retour à Montréal, Walker souleva l’opposition des Anglais à l’Acte de Québec et prit la direction du mouvement séditieux qui en résulta.
Il se fit l’agent officieux de la propagande révolutionnaire américaine dans la métropole, et se mit au service de Benedict Arnold, et prépara les voies pour l’invasion du pays. Vers la fin de juin 1775, il se rendit à Chambly, promettant aux Canadiens de l’argent, des armes et de la poudre, sans pourtant réussir à les jeter dans l’aventure hasardeuse qui commençait. On rapporte qu’il monta sur la montagne de Chambly pour guider les Bostonnais, qui lui avaient promis 2,000 francs pour l’attacher à leur parti. Il quitta définitivement le pays quand les rebelles eurent repassé la frontière.
Parmi les personnes les plus compromises dans les intrigues de Walker, le gouverneur Carleton mentionne Edward An till, les trois frères Tory, Moses Hazen, Price, Heywood, Joseph Bindon, William Macarty, David Salis bury, Franks, les trois Livingston, John Blake et Blakely.
Pas un seul nom français de Montréal n’apparaît sur la liste noire. Les Canadiens n’avaient pas encore bougé.
Aussi, le gouverneur pouvait-il opposer la gratitude des nouveaux sujets du roi pour les actes passés en leur faveur, aux intrigues séditieuses des personnes nommées ci-dessus. Tels sont les hommes qui préparèrent l’opinion publique pour la participation du Canada à la guerre d’indépendance.
C’est à Montréal surtout que se joua la partie anglo-américaine au Canada et ce qui suit doit s’entendre de la population de la ville ou du district tout au moins.
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